Ce n'est point une bague, ô mer, c'est une rose
Que je condamne et livre à ton immensité ;
Veuille, en ta tombe éternellement entreclose,
Bercer ce peu de grâce et de suavité.
Certes je ne viens pas, consacrant mon offrande,
En ma faveur, capter les dons irrévolus
D'un destin que mon cœur n'invoque ou n'appréhende,
Ni supplier des dieux auxquels je ne crois plus.
Le geste dont je lance, épanouie encore,
Cette pulpe florale et son pollen pourpré
Au gouffre dont aucun rameau ne peut éclore,
Symbolise un refus libre et désespéré.
Car la fleur dont le baume eût enivré ma veille
Et l'amour qui voulait exalter mon destin,
Je les anéantis d'une chute pareille :
Grande marée, à toi cet infime butin !...
C'est fait. A peine un choc éclabousse la lame
Qui reforme et poursuit son rythme souverain :
Un cadavre de fleur, une douleur de femme,
Que pèse cette écume à l'infini marin ?
AMÉLIE MURAT
(1882-1940) (Le Sanglot d'Eve, 1923)
Que je condamne et livre à ton immensité ;
Veuille, en ta tombe éternellement entreclose,
Bercer ce peu de grâce et de suavité.
Certes je ne viens pas, consacrant mon offrande,
En ma faveur, capter les dons irrévolus
D'un destin que mon cœur n'invoque ou n'appréhende,
Ni supplier des dieux auxquels je ne crois plus.
Le geste dont je lance, épanouie encore,
Cette pulpe florale et son pollen pourpré
Au gouffre dont aucun rameau ne peut éclore,
Symbolise un refus libre et désespéré.
Car la fleur dont le baume eût enivré ma veille
Et l'amour qui voulait exalter mon destin,
Je les anéantis d'une chute pareille :
Grande marée, à toi cet infime butin !...
C'est fait. A peine un choc éclabousse la lame
Qui reforme et poursuit son rythme souverain :
Un cadavre de fleur, une douleur de femme,
Que pèse cette écume à l'infini marin ?
AMÉLIE MURAT
(1882-1940) (Le Sanglot d'Eve, 1923)